Le Lignon est utile lorsque nous devons loger un maximum de personnes, mais n’est pas la panacée en matière d’efficience. Son entretien est dispendieux. Ses rajouts, pour l’isoler convenablement, pèseront sur ses structures, qui se fragiliseront. Le béton tombe malade. L’entassement vertical et les ascenseurs rendent le lien social plus difficile à créer que dans un espace ouvert utilisable uniquement à pied. Il semblait nécessaire à une époque. Il perdra sa raison d’être avec la diminution de la population.
Les travaux d’édification du Lignon débutèrent en 1963 et s’achevèrent en 1971. Ce furent 2780 appartements qui sortirent de terre. Bâtiment classé par le canton de Genève, il s’élève sur ce qui était autrefois un domaine agricole. Occupant peu d’espace au sol, seulement 8 % de son territoire, il projette néanmoins, une ombre portée et un impact visuel certain. Huit années, c’est long et très court à la fois pour une construction de telle taille, d’autant plus pour des bâtiments destinés à des logements bon marché. Les matériaux utilisés furent en accord avec les contraintes. Le Lignon doit subir, régulièrement, un entretien conséquent pour se maintenir en état. C’est un golem aux pieds d’argile.
Le Lignon est utile lorsque nous devons loger un maximum de personnes, mais n’est pas la panacée en matière d’efficience. Son entretien est dispendieux. Ses rajouts, pour l’isoler convenablement, pèseront sur ses structures, qui se fragiliseront. Le béton tombe malade. L’entassement vertical et les ascenseurs rendent le lien social plus difficile à créer que dans un espace ouvert utilisable uniquement à pied. Il semblait nécessaire à une époque. Il perdra sa raison d’être avec la diminution de la population.
L’abandon du Lignon ne s’effectuera pas en un instant. Il se videra, petit à petit. Son entretien deviendra déficient, au fur et à mesure que sa rentabilité décroitra. Avec un peu de chance, ses détenteurs le transformeront en carrière de matériaux. Sa déliquescence sera progressive. Il sera de moins en moins sûr. On ne le détruira pas, car s’il a coûté 158 millions (approximativement 506 millions d’aujourd’hui) pour l’ériger, il en pèsera une fraction importante pour le démanteler et, en ce futur de post-abondance, ce ne sera pas la priorité. Les matériaux aisément démontables seront récupérés. Pour le reste, la nature effectuera son œuvre.
Une fois les derniers humains partis, la nature reprendra ses droits. Cela se fera par petites touches, du pollen sur les toits, des feuilles virevoltantes jusqu’aux piscines, des bractées sur les couloirs ouverts, puis cette matière se décomposera, formant une première couche d’humus. Les mousses s’établiront à même le sol, les pins dans les étages, les dents-de-lion un peu partout. Le Lignon se verdira et d’autres espèces s’installeront. Elles ne se conteront plus de se poser, paisiblement, elles planteront leurs racines pivots profondément, poussant constamment chaque jour, créant des interstices là où n’existait qu’une surface lisse. Les murs se fissureront, les poteaux d’acier seront rongés, goutte après goutte. Les vitres encore en place exploseront sous la pression. Les escaliers intérieurs s’effondreront. Ce sera la fin de toute vie. Vraiment ?