« C’est donc ainsi que vous voyez la société ? Je me demandais aussi. Comme vos comparaisons sont mesquines ! Simplifiées à l’extrême ! Vous parlez de règles restrictives… mais une règle ne devient restrictive qu’une fois qu’elle est dépassée. A chaque stade de notre évolution sociale, depuis que nous savons parler, nous avons appris à rajuster nos règles. Nous en inventons continuellement des nouvelles qui sont mieux adaptées à ce que nous sommes. Et nous continuerons à le faire tant que des imbéciles de votre espèce ne réussiront pas à nous en empêcher ! »

John Brunner
Sur l’onde de choc

Construites entre 1971 et 1977 et guère plus petite que la cité du Lignon, les Avanchets sont reconnaissables grâce à leurs couleurs, fièrement portées sur leurs flancs, mais ce qui les définit avant tout ce sont les artères qui les enserrent.

Le serpent dans notre lit

Nous considérons comme normaux les rouleaux d’asphalte qui nous entoure. Pourtant cinquante années en arrière les routes n’avaient pas cette apparence ni cette nocivité. Elles construisaient de réels liens de vies, des lieux où se tenait le marché, où l’on jouait, pas des rubans de morts. Nous l’oublions, car nous vivons en leur proximité, mais un instant d’inattention ou une paupière lourde suffisent pour faucher une vie. Par nécessité, par complaisance ou fainéantise, nous nous sommes passé la corde au cou. Les flots de véhicules font partie intégrante de notre quotidien. Ils congestionnent nos rues, polluent notre air, envahissent nos oreilles et limitent nos déplacements à pieds. Si un étranger à notre civilisation devait soudainement débarquer sur notre planète, il serait persuadé que nos cités sont créées pour nos voitures. Nous avons décidé de nous asservir, de modifier notre environnement à tel point que ce qui était une facilité est devenu notre maître.

Une fragilité certaine

Les Avanchets partagent la même fragilité structurelle que le Lignon. Les bâtiments s’érigèrent en un temps record, 6 ans, et pour des ménages à revenu modeste. Leurs toits plats, le béton ou leurs fenêtres sans protection nécessitent un entretien permanent sous peine de voir leur enveloppe se dégrader rapidement. Son avenir sera similaire à celui du Lignon : un abandon progressif puis total, la récupération des matériaux possibles, puis un retour paisible à la nature. Toutefois, le plus grand changement se trouvera sur les routes.

Des traces qui perdureront plus longtemps que le bâti

L’asphalte subira le même sort que les édifices, un engloutissement par la végétation, ses sillons subsisteront des siècles après que les immeubles auront disparu. Les tableaux que nous vous présentons sont dans un futur « proche », lorsque la nature aura à peine repris ses droits. Si nous avançons de plusieurs décennies, avec une population stabilisée, il ne restera presque plus aucune trace, sauf les routes. Elles ne ressortiront pas l’asphalte triomphant, mais là où un revêtement fut appliqué la végétation est moins luxuriante. Durant les premiers lustres, les herbes ne poussent pas aussi facilement, ce qui crée des chemins naturels pour la faune et les humains qui désirent se promener. Les voies ainsi tracées sont alors continuellement empruntées. Un sillon est délimité et le parcours est plus aisé qu’un autre. Si nous ne nous chargeons pas, les animaux s’en servent allégrement. Laissant, ici et là, des souvenirs de ce qui fut, transformant en passage romantique ce qui était un cauchemar.

« C’est donc ainsi que vous voyez la société ? Je me demandais aussi. Comme vos comparaisons sont mesquines ! Simplifiées à l’extrême ! Vous parlez de règles restrictives… mais une règle ne devient restrictive qu’une fois qu’elle est dépassée. A chaque stade de notre évolution sociale, depuis que nous savons parler, nous avons appris à rajuster nos règles. Nous en inventons continuellement des nouvelles qui sont mieux adaptées à ce que nous sommes. Et nous continuerons à le faire tant que des imbéciles de votre espèce ne réussiront pas à nous en empêcher ! »
John Brunner
Sur l’onde de choc

Construites entre 1971 et 1977 et guère plus petite que la cité du Lignon, les Avanchets sont reconnaissables grâce à leurs couleurs, fièrement portées sur leurs flancs, mais ce qui les définit avant tout ce sont les artères qui les enserrent

Le serpent dans notre lit

Nous considérons comme normaux les rouleaux d’asphalte qui nous entoure. Pourtant cinquante années en arrière les routes n’avaient pas cette apparence ni cette nocivité. Elles construisaient de réels liens de vies, des lieux où se tenait le marché, où l’on jouait, pas des rubans de morts. Nous l’oublions, car nous vivons en leur proximité, mais un instant d’inattention ou une paupière lourde suffisent pour faucher une vie. Par nécessité, par complaisance ou fainéantise, nous nous sommes passé la corde au cou. Les flots de véhicules font partie intégrante de notre quotidien. Ils congestionnent nos rues, polluent notre air, envahissent nos oreilles et limitent nos déplacements à pieds. Si un étranger à notre civilisation devait soudainement débarquer sur notre planète, il serait persuadé que nos cités sont créées pour nos voitures. Nous avons décidé de nous asservir, de modifier notre environnement à tel point que ce qui était une facilité est devenu notre maître.

Nous considérons comme normaux les rouleaux d’asphalte qui nous entoure. Pourtant cinquante années en arrière les routes n’avaient pas cette apparence ni cette nocivité. Elles construisaient de réels liens de vies, des lieux où se tenait le marché, où l’on jouait, pas des rubans de morts. Nous l’oublions, car nous vivons en leur proximité, mais un instant d’inattention ou une paupière lourde suffisent pour faucher une vie. Par nécessité, par complaisance ou fainéantise, nous nous sommes passé la corde au cou. Les flots de véhicules font partie intégrante de notre quotidien. Ils congestionnent nos rues, polluent notre air, envahissent nos oreilles et limitent nos déplacements à pieds. Si un étranger à notre civilisation devait soudainement débarquer sur notre planète, il serait persuadé que nos cités sont créées pour nos voitures. Nous avons décidé de nous asservir, de modifier notre environnement à tel point que ce qui était une facilité est devenu notre maître.

Une fragilité certaine

Les Avanchets partagent la même fragilité structurelle que le Lignon. Les bâtiments s’érigèrent en un temps record, 6 ans, et pour des ménages à revenu modeste. Leurs toits plats, le béton ou leurs fenêtres sans protection nécessitent un entretien permanent sous peine de voir leur enveloppe se dégrader rapidement. Son avenir sera similaire à celui du Lignon : un abandon progressif puis total, la récupération des matériaux possibles, puis un retour paisible à la nature. Toutefois, le plus grand changement se trouvera sur les routes.

Des traces qui perdureront plus longtemps que le bâti

L’asphalte subira le même sort que les édifices, un engloutissement par la végétation, ses sillons subsisteront des siècles après que les immeubles auront disparu. Les tableaux que nous vous présentons sont dans un futur « proche », lorsque la nature aura à peine repris ses droits. Si nous avançons de plusieurs décennies, avec une population stabilisée, il ne restera presque plus aucune trace, sauf les routes. Elles ne ressortiront pas l’asphalte triomphant, mais là où un revêtement fut appliqué la végétation est moins luxuriante. Durant les premiers lustres, les herbes ne poussent pas aussi facilement, ce qui crée des chemins naturels pour la faune et les humains qui désirent se promener. Les voies ainsi tracées sont alors continuellement empruntées. Un sillon est délimité et le parcours est plus aisé qu’un autre. Si nous ne nous chargeons pas, les animaux s’en servent allégrement. Laissant, ici et là, des souvenirs de ce qui fut, transformant en passage romantique ce qui était un cauchemar.

L’asphalte subira le même sort que les édifices, un engloutissement par la végétation, ses sillons subsisteront des siècles après que les immeubles auront disparu. Les tableaux que nous vous présentons sont dans un futur « proche », lorsque la nature aura à peine repris ses droits. Si nous avançons de plusieurs décennies, avec une population stabilisée, il ne restera presque plus aucune trace, sauf les routes. Elles ne ressortiront pas l’asphalte triomphant, mais là où un revêtement fut appliqué la végétation est moins luxuriante. Durant les premiers lustres, les herbes ne poussent pas aussi facilement, ce qui crée des chemins naturels pour la faune et les humains qui désirent se promener. Les voies ainsi tracées sont alors continuellement empruntées. Un sillon est délimité et le parcours est plus aisé qu’un autre. Si nous ne nous chargeons pas, les animaux s’en servent allégrement. Laissant, ici et là, des souvenirs de ce qui fut, transformant en passage romantique ce qui était un cauchemar.

Et Balexert dans tout cela ?

« Pour vivre moderne, il ne suffit plus d’acheter aujourd’hui et de jeter demain.
Il faut acheter aujourd’hui et jeter aujourd’hui ! »

John Brunner
Tous à Zanzibar

Le revêtement en métal et le toit plat ne parlent pas en faveur de la survie à long terme de Balexert, mais c’est avant tout son utilité qui sera largement modifiée à travers les décennies. La notion même de centre commercial deviendra obsolète. La raréfaction des ressources amènera, en premier lieu, à une augmentation du coût des biens et, donc, à une consommation moindre, sans parler d’une répartition du prix de vente en faveur du producteur et non plus du magasin. Les grandes surfaces, telles que nous les connaissons, s’éteindront. Nous achèterons moins. Nous réparerons plus. La durabilité sera la condition première de nos acquisitions. Balexert se transformera sans doute, dans un premier temps, en un lieu de stockage ou une centrale de distribution, mais même cette affectation ira en décroissant, au fur et à mesure que les places proches des axes de triages ferroviaires réduiront leur coût foncier. Balexert sera reconverti en serre géante durant un demi-siècle. Puis, avec l’espace nouvellement accessible, notre civilisation délaissera l’exploitation intensive pour revenir à l’extensif. Balexert sera laissé à son sort.

Et balexert dans tout cela ?

« Pour vivre moderne, il ne suffit plus d’acheter aujourd’hui et de jeter demain.
Il faut acheter aujourd’hui et jeter aujourd’hui ! »

John Brunner
Tous à Zanzibar

Le revêtement en métal et le toit plat ne parlent pas en faveur de la survie à long terme de Balexert, mais c’est avant tout son utilité qui sera largement modifiée à travers les décennies. La notion même de centre commercial deviendra obsolète. La raréfaction des ressources amènera, en premier lieu, à une augmentation du coût des biens et, donc, à une consommation moindre, sans parler d’une répartition du prix de vente en faveur du producteur et non plus du magasin. Les grandes surfaces, telles que nous les connaissons, s’éteindront. Nous achèterons moins. Nous réparerons plus. La durabilité sera la condition première de nos acquisitions. Balexert se transformera sans doute, dans un premier temps, en un lieu de stockage ou une centrale de distribution, mais même cette affectation ira en décroissant, au fur et à mesure que les places proches des axes de triages ferroviaires réduiront leur coût foncier. Balexert sera reconverti en serre géante durant un demi-siècle. Puis, avec l’espace nouvellement accessible, notre civilisation délaissera l’exploitation intensive pour revenir à l’extensif. Balexert sera laissé à son sort.